Chaque année, depuis 2000, le Fonds cantonal d’art contemporain attribue à un-e artiste plasticien-ne genevois-e ou actif-ve à Genève, un atelier à Berlin, situé dans le quartier de Wedding.
La résidence dure six mois, de janvier à juin, et est accompagnée d’une bourse qui permet de vivre et de produire sur place.
À l’issue du séjour, le-la lauréat-e est invité-e à réaliser une publication, sous la forme d’un livre d’artiste, édité par le FCAC, qui prolonge et conclut en quelque sorte l’expérience berlinoise, sans devoir pour autant forcément s’y référer.
En 2016, le design de la collection Atelier Berlin Editions a été repensé pour permettre l’expression d’un projet éditorial artistique, tout en répondant à l’idée d’une collection, les livres partageant un même format et quelques paramètres graphiques.
La conception a été confiée à l’atelier TM David Mamie, Nicola Todeschini.
Le livre d’Emilie Ding a été le premier de cette collection revisitée et a été primé comme l’un des « plus beaux livres suisses » 2017.
Gustave Didelot, MYST, 2025
Par ce titre évocateur, MYST, Gustave Didelot nous invite à pénétrer dans le Monde de la peinture, un univers visuel foisonnant, onirique et utopique, aux couleurs vives, peuplé d’êtres imaginaires, menant à des narrations multiples. Sous la forme d’une déambulation, à la manière d’un jeu vidéo, l’artiste nous convie à une exploration par des signes ouvrant sur des espaces variés. « Personne ne vient à notre rencontre et sur ce rythme ponctué de découvertes et par la crainte d’être surpris, nous avançons guidés par la curiosité de voir ce que l’espace peut nous offrir ensuite » précise Didelot.
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2022.
Marta Riniker-Radich, The Mind of The Quitter Always Has a Negative Taint, 2023
The Mind of The Quitter Always Has a Negative Taint juxtapose des fragments de textes et des dessins qui thématisent la culture de bureau contemporaine et l’impact psychologique du travail dans une société capitaliste.
Les textes de cette publication sont un mélange d’aphorismes inventés, de phrases partielles et de citations tirées de deux livres : White Collar : the American Middle Classes de C. Wright Mills et The Corrosion of Character de Richard Sennett. Dans son ouvrage de référence en sociologie, Mills décrit l’essor du travail de bureau dans l’économie américaine et l’impact déshumanisant que les structures hiérarchiques et le manque d’autodétermination ont sur les travailleurs. Sennett s’appuie sur ces réflexions et examine l’influence que le monde professionnel d’aujourd’hui, caractérisé par la flexibilité et l’individualisme, exerce sur le caractère humain et sur la rupture des liens sociaux.
Les textes choisis dialoguent avec des dessins très détaillés de genoux. Indispensable pour nous maintenir debout, la plus grosse articulation de notre corps est extrêmement vulnérable aux blessures et exposée à l’aversion et à la honte. D’autres images qui font allusion aux structures de pouvoir, au désespoir et à l’épuisement sont disséminées dans la publication.
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2018.
Camille Dumond, Plane Planet, 2022
C’est dans un bain couleur orange sanguine que nous plonge la publication Plane Planet. Le livre s’articule autour de témoignages d’employé-e-s de l’aéroport de Genève, de prises de vues de sculptures en céramique, et de captures d’écran du film The escape, réalisé en 2019 à l’occasion de la résidence de Camille Dumond à Berlin et tourné en partie sur le terrain désaffecté de l’aéroport de Tempelhof.
Fruit de l’expérience d’un précédent job alimentaire, le livre fait suite à son départ de l’aéroport où elle était en immersion durant trois ans. Elle rencontre alors à nouveau une douzaine de ses ancien-ne-s collègues afin de leur poser des questions – celles-là mêmes qui apparaissent en couverture de la publication et où se découpe le titre de l’ouvrage Plane Planet.
Semblables à un magazine aux entrailles souples et brillantes, les figures des trois employés du film interprétés par Salber Lee Williams, Kaspar Locher et Tarren Johnson accompagnent les témoignages et les images fantastiques aux teintes d’une compagnie low cost qui reprennent des détails du film, tels que des cravates, des verres d’eau, ou des lentilles de vue.
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2019.
Vianney Fivel, Your Song, 2020
Your Song prend comme point de départ la documentation de cinq sculptures réalisées en 2017 pendant la résidence à Berlin et propose d’ouvrir à travers elle plusieurs questions. Comment rendre lisible dans l’espace d’un livre ce qui ne peut être expérimenté que dans un espace physique ? Comment une archive, une fois imprimée, peut-elle être transformée par le lecteur-visiteur ? Les sculptures sont ici reproduites à l’échelle 1 au moyen d’un scanner et apparaissent de manière fragmentaire sur le fond de chaque page. Une trame de lignes en surimpression évoque la fabrication de ces images par le balayage du scanner et donne à l’objet la fonction potentielle et l’apparence d’un journal intime, dont les pages pourraient recevoir des confidences, des dessins, ou encore une liste de courses…
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2017.
Luc Mattenberger, Peak Hour, 2018
Les sculptures, vidéos et installations de Luc Mattenberger présentent des éléments issus du monde impersonnel et froid de la machine et de la technique : par leurs formes (cônes, tubes, roues dentées…), le choix des matériaux (métal chromé, câbles, chaînes, caoutchouc, etc.) ainsi que par leur système de monstration (fixation au mur, suspension au plafond, motorisation…) ils en suggèrent un usage, si ce n’est une utilité, en lien avec le corps. Le spectateur se voit ainsi souvent confronté à un dispositif autoritaire et inquiétant, de l’ordre de la contrainte ou de la menace.
De même, le livre Peak Hour met en scène un espace aseptisé, glacé, voire carcéral, de carrelage blanc, dans lequel s’insèrent quelques réalisations récentes. Par exemple, la grande installation For the People, réalisée en 2017-2018 à Marfa et inspirée du monde géométrique de Donald Judd, démontre comment un dispositif architectural impose aux usagers des postures particulières. Les recherches les plus récentes de l’artiste abordent ainsi les notions de contrainte non seulement corporelle, mais aussi mentale, intégrant le son et la lumière, et même les techniques de méditation en pleine conscience, dont Mattenberger interroge les usages détournés et délétères.
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2013.
Josse Bailly, Wir nehmen das Tiertaxi, 2017
La peinture de Josse Bailly, qui se rattache à la mouvance de la « bad painting », puise ses sources aussi bien dans l’histoire du médium que dans l’immense réservoir d’images que fournit la culture populaire.
Dans son texte sur le travail de Josse Bailly, Samuel Gross décrit le livre comme le « carnet de bord foisonnant d’un séjour berlinois…mêlant photographies, croquis, dessins, peintures, images privées, étrangetés locales, autoréférences, stéréotypes écorchés ». La profusion visuelle saturée de couleurs qu’a créée Josse Bailly pour son livre est à l’exacte image de sa peinture.
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2016.
Pauline Beaudemont, This Arrogant Envelope, 2017
À l’origine photographe, Pauline Beaudemont a adopté depuis quelques années une pratique pluridisciplinaire, tout en puisant ses références dans l’art et des domaines tels que l’architecture, l’iconographie du cinéma ou les décors de films.
Pour son livre This Arrogant Envelope, l’artiste a choisi d’associer poésie, mail art et photographie. À l’aide d’un appareil Polaroid de très grand format, elle a transposé la radiographie d’une de ses mains sous la forme de vingt-cinq images. Chaque polaroid porte au dos un court poème du poète américain Joseph Mosconi et l’adresse postale d’une personnalité du monde de l’art. L’ensemble dessine ainsi, entre l’artiste et les destinataires, une sorte de constellation artistique idéale et amicale au travers des frontières.
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2015.
Ceel Mogami de Haas, Bibliography, 2016
Inspiré par l’œuvre du poète et philosophe allemand Novalis (1772-1801), Brouillon Général et celle de l’artiste suisse d’art brut Armand Schulthess (1901-1972), Encyclopédie dans les bois, deux esquisses d’un savoir encyclopédique particulier très personnel, le livre d’artiste est tout naturellement un des supports privilégiés de Ceel Mogami de Haas pour ses créations.
Fasciné par la fécondité du réseau cognitif produit par le rapprochement d’éléments documentaires d’origines diverses, l’artiste a conçu son livre Bibliography sous la forme d’une liste de lecture idéale, associant dans une même image, traitée en 3D, un livre et un objet. Les pages du livre sont toutes autant d’indices de l’univers intellectuel et de la vie personnelle de l’artiste, dessinant une constellation à la fois chaotique et poétique.
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2014.
Emilie Ding, But time is not linear…, 2016
L’architecture est au cœur du travail d’Emilie Ding, qui produit aussi bien des dessins, des peintures que des sculptures. Mêlant abstraction géométrique et éléments de construction, son vocabulaire est aussi fortement inspiré par la modernité.
Celle-ci est au cœur de But time is not linear… qu’elle a réalisé en compilant les détails photographiques des édifices des plus grands architectes de la modernité. Jouant avec le sens des images et leur juxtaposition, Emilie Ding a recomposé un univers formel élémentaire extrêmement dynamique et très plastique.
L’artiste a séjourné à Berlin de janvier à juin 2012.